Le Soufisme, malgré les abondantes définitions, est en soi indéfinissable: il ne peut pas être emprisonné dans une catégorie statique. À la question «Qu’est-ce que c’est le Soufisme?» un maître pourrait répondre en recomptant l'histoire de l'Éléphant dans le noir.

A l’intérieur d'une chambre noir comme la poix se trouvait allongé un énorme éléphant endormi. Un groupe de personnes, qui dans leur vie n'avait jamais senti parler d'un semblable animal, devait découvrir de quoi s’agissait l'"objet mystérieux". Puisque l'obscurité empêchait d'en distinguer la forme, les personnes touchèrent l'animal pour se faire une idée. Le premier toucha la patte du pachyderme et dit: «Certes, il est simple, s'agit d'une énorme colonne!».
La seconde que palpa l'oreille exclama :
«Mais que tu dis, il s'agit sûrement d'un énorme éventail!».
le troisième qui saisit la trompe, trancha:
«Mais êtes-vous devenus fou? Comment peut-il être ce que vous dites? Il est hors de doute un serpent!».
Celui qui saisit le dos déclara:
«Je pense que vous ayez le berlue, comme vous faites à ne pas vous apercevoir qu'il s'agit d'un énorme trône?».
Ce qui toucha la tête dit: «Je ne suis pas d'accord avec aucune de vous, l'objet en question est indubitablement une chaudière!».
Et ainsi de suite. Puisque l'opinion de chacune se basait sur une expérience fragmentaire, ils vinrent hors tant de définitions différentes quant les différentes parties du pachyderme touchées. Chaque personne croyait avoir comprit de quoi s’agissait l'objet mystérieux. Et, puisque chacun soutenait son opinion, commencèrent à discuter avec entrain:
«L'objet mystérieux ressemble à ce!».
«Non, à cela!».
«Ne ressemble pas à cela, mais à ceci!».
Mais, lorsque fut allumée la lanterne dans la chambre ils virent l'animal en entier et comprirent que chacun avait possédé seulement une partie de la vérité en la confondant pour la totalité. Le même vaut pour qui il tente d'expliquer ce qu’il est le Soufisme : chacun cherche à expliquer ce qui sent. 

Le Soufisme n'est pas une religion, ni une pensée abstraite détaché de la vie. Il ne prétend pas de systématiser la connaissance, ne nie pas les autres conceptions. Il ne pose pas l'accent sur les livres ou sur les croyances, mais plutôt sur l’expérience que l'homme peut faire dans la vie tous les jours. Pour ceci on dit que le Soufisme est « être dans le monde, mais pas du monde », parce que se tourne à ceux-là que même en étant engagés dans les affaires quotidiennes ils n'y restent pas emprisonnés.

Le Soufisme, après avoir scruté dans essence même de la religion, en écarte l'inessentielle. Il est un mode concrète de concevoir la vie, un oeil qu'il voit le monde réel comme un réveil. Il est une voie d’entraînement mentale à l’intérieur de l’aventure qui est la vie.
Que soit, selon ceux-là qui valorisent son atemporalité, une réalité vivante et florissante bien avant de l'enseignement de Mohamed et que n’y a jamais été un temps dans lequel il n'est pas existé, ou bien que soit, selon autres, la moelle de l'Islam, le Soufisme permet à l'homme de réaliser le Divin qui héberge dans son coeur et de vivre en parfaite adhésion dans l’instant présent.

Le Soufisme demande l'examen, l'étude, l'observation de la condition humaine et l'expérience directe et pratique de ces phénomènes. L'accent est posé sur la pratique, puisqu'on ne peut pas séparer une pensée philosophique de la vie quotidienne. Le faire serait comme arracher une plante du terrain. Enlevées les racines la vie échappe. Le Soufisme tourne autour le thème de la transformation : transformer le monde des apparences dans un monde extraordinaire rempli du sens du Divin.
Même pour cette raison, un connu dicton sufi récite «Qui goûte connaît».

[Passage de mon livre, Le doigt et la lune. Enseignement des mystiques de l'Islam, (Il dito e la luna), Edizioni Il Punto d'Incontro, Vicenza 2008, 6a ed.]